Bibliophilie

« André Goezu, du côté de la bibliophilie »

André Goezu est un artiste cosmopolite. Après ses humanités classiques gréco-latines et des cours de dessin et de peinture chez Jacques Gorus, il étudie à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers et à l’Institut national supérieur d’Anvers de 1956 à 1963. Est nommé lauréat de cet Institut en 1963.

Son professeur de la classe de gravure, René De Coninck l’initiera à l’art de l’eau-forte et lui fera découvrir la littérature fantastique de l’auteur gantois Jean Ray, alias John Flanders. C’est pour rendre hommage à cet auteur du réalisme magique qui publiait aussi bien en français qu’en néerlandais qu’André Goezu réalisera une édition de bibliophilie dédiée à la mer et ses fantasmes Jean Ray-John Flanders.

 Encouragé par son professeur d’esthétique Marcel van Jole, André Goezu quitte Anvers en 1968 pour Paris.

Il réside à  la Cité internationale des Arts, pour s’installer par la suite définitivement en plein cœur de Paris sur l’Île St-Louis.

Il ne tarde pas à découvrir les nombreux ateliers d’art graphique et à s’imprégner de la maîtrise artisanale qu’il découvre dans ces ateliers où règne l’esprit de liberté créative sans égale.

Dans le travail de Goezu on devine une grande admiration plus particulièrement pour Vittore Carpaccio, Giorgone, pour les symbolistes Odilon Redon et Fernand Knopff de même que pour Pierre Bonnard.

Il consacra d’ailleurs une édition de bibliophilie à Knopff intitulé ‘Sphinge‘ qu’accompagne un poème d’ Emile Verhaeren

 Nostalgique de sa ville natale, c’est en songeant à elle que parait l’ouvrage de bibliophilie Antwerpse Symbiose dont les aquatintes tintées d’humour illustrent la jeunesse anversoise de l’écrivain Monika van Paemel

 André Goezu est incontestablement un artiste érudit témoignant un vif intérêt tout au long de son parcours pour les littératures du monde. Ainsi réalise-t-il des éditions de bibliophilie en collaboration avec Jef Geeraerts, Ward Ruyslinck, l’académicien Roger Caillois, ou encore avec l’écrivain autrichien Peter Handke.

 C’est à l’occasion d’une exposition qui se tint en 2001 au musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières – ville natale du poète –, qu’André Goezu conçoit le livre de bibliophilie Voyelles en hommage au jeune Arthur Rimbaud

Le sonnet Voyelles un des sommets de la poésie française, est une merveille de synesthésie entre les différentes sphères sensorielles. Dans ce poème, Rimbaud confère à chaque voyelle une couleur spécifique qu’ André Goezu imagine dans un jeu de cinq aquatintes aux subtils dégradés

Cet hommage à Rimbaud compte sans aucun doute parmi les pièces maîtresses de l’œuvre foisonnante de cet artiste plasticien.

Récemment, André Goezu a  consacré une série de gravures pour un  recueil de luxe à tirage limité Equinox, illustrant les poèmes de Richard Foqué. Ce recueil se réfère au fragile moment où le jour et la nuit ont une durée égale.

Il ne fallait pas créer de simples illustrations, mais bien atteindre une symbiose entre poésie et aquatinte. Aussi poèmes et gravures dégagent une atmosphère captivante où les paysages extérieurs rejoignent les nostalgies intimes.

L’œuvre fut présentée en avant- première en 2011 à la galerie anversoise De Zwarte Panter .

 Ses relations sélectives avec les grands écrivains, les artistes peintres et graveurs d’hier et d’aujourd’hui a enclin Goezu à adopter un style tout à fait particulier.

Une atmosphère toute personnelle se reflète dans son œuvre graphique et picturale : idyllique, intime, élégante, dévoilant tout un éventail d’émotions et d’ambiances ainsi qu’une iconographie symbolique personnelle dont témoignent ses chevaux, d’arbres, femmes, architectures, oiseaux et nuages.

Dans ses œuvres Goezu aime à synthétiser les courants des cultures occidentales avec ses racines juives auxquelles se mêlent le souvenir d’un lointain Orient, suite à un voyage et une exposition au Japon qui l’ont beaucoup marqué.

Chaque œuvre graphique, chaque édition de bibliophilie, chaque monotype, ainsi que chaque peinture ajoute avec raffinement un maillon à son œuvre. Néanmoins, derrière ce raffinement,  cette élégance se cache une sensibilité extrême, une tristesse souvent liée à la recherche du paradis perdu, à la douleur des souffrances vécues pendant les terribles épreuves de la guerre, l’Holocauste.

André a magistralement illustré le mysticisme juif dans l’ouvrage de bibliophilie Pentateuque. Cette pièce maîtresse dans son œuvre, riche d’un symbolisme juif, est composée de quinze aquatintes illustrant les Cinq Livres de Moïse.

Qu’il crée une peinture, un monotype, une lithographie ou une eau-forte, André Goezu tend toujours à la perfection. Sa technique est magistrale. Il possède le sens inné et naturel de la couleur. Désireux de se lancer des défis artistiques et techniques nouveaux, il réalise actuellement une série d’eaux fortes de grandes dimensions.

C’est dans le recueillement et le silence discret de son atelier- une ancienne écurie du XVIIeme, au cœur du Marais,- dans ce 3eme arrondissement si typique de Paris, que tel un ascète il réalise et imprime la totalité de son œuvre graphique.

En guise de conclusion, je souhaiterais ajouter qu’André Goezu est un artiste qui brosse un tableau de notre époque, innovant et empreint de sensibilité. Il continue à poursuivre une œuvre graphique et picturale faisant la part belle, la part centrale, à l’homme et aux valeurs humanistes.

Ernest Van Buynder, Président du Muhka – Musée d’art contemporain d’Anvers

Légende : Expo avec S et H  de Beauvoir